L'Age atomique_Extraits critiques

« Ce film est né d’un refus. Le CNC avait retoqué un précédent projet, une sorte de thriller sur lequel j’avais passé plusieurs années. J’ai écrit l’Age atomique sur cette frustration, très vite, un peu comme un journal intime. Je n’avais qu’un court-métrage et un documentaire derrière moi. Mais en revanche, j’ai beaucoup filmé pour moi des soirées, mes amis, des concerts. Et dans ces images au mètres, il y avait toujours un instant, un plan, où surgissait une grâce. Pour écrire l’Age atomique, je suis parti du souvenir de ces instants-là. Mais en me posant pour question comment filmer cette histoire d’une virée en rendant compte du romantisme de l’époque et l’intériorité des deux personnages…

 

J’ai rencontré mes deux acteurs dans la rue : Dominik Wojcik, qui joue Rainer, je l’ai rencontré en faisant le casting pour un autre film, réalisé par d’autres, où il n’a pas du tout intéressé. Moi, j’ai tout de suite vu en lui mon personnage, qui venait comme Dominik, qui est polonais d’Europe de l’Est. A l’écriture, je pensais sans doute à un allemand, pour le romantisme, parce que son personnage incarne une sorte de fantôme de l’adolescence.

Victor, je l’ai rencontré alors que je marchais dans la rue avec Dominik. On l’a croisé, et on s’est dit c’est lui, on lui a couru après. Faire du cinéma, ça ne l’intéressait pas du tout à la base. Il a fallu le convaincre.  J’ai donc eu la chance de les voir tout de suite l’un à coté de l’autre, et dès le premier regard, je savais qu’en tant que binôme leur association marchait…

 

Le film a gagné en mélancolie par leur jeu. Sur le papier, le texte ne sonnait pas si «romantique allemand », si « Novalis » – ou alors je ne m’en rendais pas compte. Mais eux, qui sont plus jeunes que moi, plus à fleur de peau, ont emmené leur propre noirceur. Cette noirceur, et ce romantisme, il me semble qu’ils sont aussi la signature de notre époque. Ce film aurait été différent si je l’avais réalisé il y a, je ne sais pas, cinq ans. Je trouve étrange que dans tout, à commencer par la musique, le romantisme est de retour. »

Propos recueillis par Philippe Azoury

(Le Nouvel Obs : 27/11/2012)

« J’ai tourné ce film en me mettant sans cesse dans la peau d’une spectatrice. Et d’une spectatrice dure. J’ai tourné chaque plan en me disant : « J’ai envie de voir ça au cinéma. » J’ai eu constamment le souci d’affirmer un point de vue, de chercher un style pour que le spectateur puisse rencontrer intimement cette histoire. Pour moi, la question du style au cinéma est aussi fondamentale que dans la musique, la peinture, la littérature. C’est ce qui confronte le film à l’époque et pose la question du contemporain. Chaque scène a une identité propre en terme de découpage, de cadre, de lumière. J’ai demandé  à Hélène Louvart, la chef opératrice, une lumière sentimentale, colorée, avec beaucoup d’ombres, une lumière très dramaturgique, presque explicative. La deuxième caméra, tenue par le réalisateur Julien Samani, était libre. La mise en scène suit de près l’état des personnages et le fil du récit : au début, elle est dans la séduction, puis une sorte de désenchantement gagne le film, le rythme ralentit, les  plans sont plus larges, les personnages se fatiguent. L’humeur change au rythme des personnages, parce que le film se passe à l’intérieur d’eux, c’est comme une vue subjective. Et j’avais envie que le spectateur bouge avec eux, en eux, parce que la place du spectateur est capitale pour moi

Je veux qu’il ressente ce qui arrive aux personnages : comment la ville et les rencontres éteignent en eux le plaisir de vivre, et comment le sentiment se rallume dans la forêt... »

  

« C’est un film tourné vite, en douze jours, avec très peu d’argent, mais un film libre que j’ai entièrement maitrisé, même s’il y a beaucoup de hasard, de plans volés. Je peux comprendre que certaines choses ne passent pas, mais c’est un peu comme dans la vie, certaines fille tombent amoureuses de garçons qui, moi, me laissent indifférentes. Je ne sais pas si j’ai raison ou tort, si j’ai bien fait ou pas, simplement je tente quelque chose, je cherche un regard, un style qui aille avec les personnages que je filme et l’histoire que je raconte. Ce que j’ai fait avant L’âge atomique n’avait rien à voir, ce que je ferai ensuite sera certainement différent. Je ne suis pas vraiment une ligne droite, l’instant m’intéresse beaucoup plus. J’ai envie d’apprendre  à chaque film, je n’ai pas de certitudes. »

 

Propos recueillis par Jean-Philippe Tessé le 2/11/2012. »

Propos de la réalisatrice : «La poésie, pour moi, c’est lié  depuis toujours au côté enflammé de la jeunesse.»