La Saison des femmes
Rafiki

SAMEDI 25 MAI à 17 h

SYNOPSIS


La région de Casamance, au sud du Sénégal est une des dernières zones refuges en Afrique de l’Ouest pour un nombre croissant de pêcheurs artisans, de transformateurs et de travailleurs migrants. Face à une concurrence extérieure de plus en plus forte ces femmes et ces hommes résistent en contribuant grâce à leur labeur à la sécurité alimentaire de nombreux pays africains. Mais pour combien de temps encore ?

Film en compétition au 10° festival «êcheurs du monde» de Lorient: mention spéciale du Jury Jeunes & du Jury Professionnels & Prix du Public

Port de Kafountine, Sénégal. Une plongée dans la complexité, la richesse et la dureté de la pêche artisanale en Casamance. Des milliers de personnes de toute l’Afrique de l’ouest convergent sur cette côte à la limite de la descente des grands bancs de sardinelles qui fréquentent les eaux côtières du Maroc au Sénégal. Ils y trouvent des moyens de vivre ou de survivre dans des conditions de travail très rudes, en mer comme dans la fumée des fours. Hommes, femmes et enfants se côtoient dans un cadre qui semble chaotique mais fonctionne de manière parfaitement organisée malgré la complexité des rapports sociaux parfois conflictuels entre pêcheurs, porteurs, mareyeuses, employés des fumoirs, livreurs de bois, transporteurs. On comprend combien la pêche est essentielle pour le travail et la nourriture pour des millions de personnes en Afrique. Que vont devenir ces travailleurs et ces populations si les rumeurs sur l’installation d’usines de farines de poisson se concrétisent ?

Ardéche image


Le poisson faisait battre le cœur de Kafountine, en Casamance, dans le sud du Sénégal. (…) Les réalisateurs Thomas Grand et Moussa Diop y ont filmé en 2017 une activité foisonnante, mais menacée. Leur documentaire Poisson d’or, poisson africain montre les pêcheurs remonter les sennes à la force des bras et au rythme des chants, versant les sardinelles au fond des pirogues. Les porteurs affluent dans l’eau pour la débarque, très périlleuse. Emmenant les caisses sur leurs têtes, des pirogues au port, ils livrent les femmes tenant les ateliers de filetage, de séchage et de fumaison. D’autres fendent le bois, ou chargent les sacs de poisson séché dans des camions surchargés, en route pour les pays voisins. Une économie informelle où chacun réalise une étape. Pêcheurs et transformatrices viennent du Burkina Faso, de Côte d’Ivoire, du Mali, de Guinée… Une fois un peu d’argent accumulé, ils peuvent construire leur four, leur table de séchage. Rien d’idyllique : les accidents sont fréquents, non indemnisés. Pirogues, fours, consommation de bois augmentent trop vite. La fumaison déforeste la Casamance, prive les villages de cette source d’énergie, brûle les yeux et empoisonne les poumons. Mais la menace qui fait trembler Kafountine, c’est ce projet d’usine à farine sous capitaux chinois (…)Thomas Grand est retourné là-bas cet été. Une usine de farine de poisson a poussé à Abéné, à 5 km. Démarrée en avril, elle dégageait une fumée nauséabonde et déversait ses eaux usées en mer, malgré l’aire marine protégée. « La population s’est mobilisée, raconte le réalisateur. Elle a obtenu une enquête publique montrant un refus massif, et l’usine a été arrêtée. Une petite victoire. Mais temporaire.

  

Poisson d'or, poisson africain

Thomas GRAND et Moussa DIOP

Moussa Diop est né en 1979 au Sénégal. Ingénieur du son, formé aux techniques du Son à l’Orchestre National des Arts du Sénégal et au Centre Culturel Blaise Senghor. Co-fondateur de Zideoprod et co-réalisateur avec Thomas Grand de «d’or, poisson africain» et de Diogué, une île de pêche menacée, 2016


Une autre usine sort de terre à Kafountine même. « Plus de mille femmes ont été dégagées vers des zones insalubres et loin de la plage. » Sur les nouvelles  images du cinéaste : de gros silos, et le site où la vie foisonnait est quasi désertique. « Les usines construites à côté, en Gambie, absorbent la pêche. Il y avait déjà un pillage en mer, ça frappe dur dans les bancs de sardinelles. Avec ces usines, qui s’étendent depuis cinq ans, c’est un deuxième pillage à terre. Les gens voient surtout l’impact direct : ça pue, ça pollue. Mais c’est aussi une forte perte d’emplois, de sécurité alimentaire. Les réalisateurs diffusent leur film en Afrique de l’ouest pour sensibiliser à ces enjeux.

OUEST-France, Solène LE ROUX, décembre 2018


«Ces dernières années, le développement de l’aquaculture industrielle au niveau international a provoqué une demande nouvelle de farine et d’huile de poisson sauvage, utilisée pour nourrir le poisson d’élevage et le bétail, suscitant l’intérêt de nombreux investisseurs et industriels étrangers. Un vrai sabotage : il faut par exemple compter entre 3 et 5 kilos de poisson sauvage pour produire 1 kg de poisson d'élevage destiné aux pays "riches". Ainsi, des bateaux-usines russes, chinois, turcs opèrent librement et/ou clandestinement au large du Maroc et du Sénégal provoquant le désarroi des pêcheurs artisans. Et depuis maintenant 10 ans, des usines de farine de poisson se créent, s’installent sur tout le long du littoral Ouest-Africain, le plus souvent au plus proche des zones et des ports de débarquement, induisant une pression supplémentaire:

- pillage organisé grâce aux licences accordées,
- détournement du produit autrefois destiné à nos populations,
- perte d’activité catastrophique pour les travailleurs et les migrants qui vivent grâce au poisson débarqué sur nos plages.

Le poisson à haute valeur commerciale, frais ou congelé, est traité et exporté massivement depuis 50 ans, ou réservé aux plus riches de notre pays. Les populations sénégalaises n’y ont plus accès depuis longtemps, et doivent se contenter du « Yaboye » pour se nourrir. Et notre Yaboye, qui coûte de plus en plus cher, se fait rare et irrégulier dans nos marchés. La sardinelle et l’ethmalose sont des poissons populaires, fondamentaux pour la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest :Une mobilisation citoyenne locale, nationale et internationale s'impose pour protéger ce poisson essentiel par le refus absolu de son traitement en farine et huile d'exportation.»

«d’or, poisson africain» // Collectif SOS Yaboye

Thomas Grand né en 1976, travaille au Sénégal depuis une vingtaine d’années après une enfance et des études entre Paris et la Casamance. Producteur, réalisateur, cadreur,  et monteur, la pêche est une activité qui le passionne depuis tout petit. Après avoir réalisé une vingtaine de films pour des commandes institutionnelles en lien avec le développement, il a fondé sa société de production, Zideoprod. En 2010, Thomas Grand a présenté au Festival de films Pêcheurs du Monde « Kayar, l'enfance prise aux filets ». « Poisson d’or, poisson africain » est sa troisième réalisation.

La saison des femmes

Rafiki