ENTRETIEN avec la RÉALISATRICE
La cinéaste Eliza Hittman parle de son dernier film, Never Rarely Sometimes Always avec Michael Ehms de museemagazine.com
Michael Ehms: Je ne crois pas avoir jamais vu ailleurs que dans ce film, une représentation aussi honnête de l'avortement (et d'autres réalités brutales sur la condition féminine). Quel était votre état d'esprit quand vous avez réalisé cette histoire ?
Eliza Hittman : Je voulais vraiment immerger le public dans le point de vue du personnage principal, Autumn. Je voulais qu'il fasse l'expérience de l'atmosphère très sexiste et misogyne autour d'elle et celle de tous les obstacles réels auxquels une femme est confrontée pour se faire avorter légalement.
M. E.: L'histoire en question semble tellement vraie et personnelle. Ce film est-il tiré d’une expérience réelle qui vous aurait inspirée?
E.H.: Il n'est inspiré d'aucune histoire personnelle. J'ai commencé à réfléchir au film en 2012 quand une femme, Savita Halappanavar, est morte en Irlande, , après s’être vu refuser un avortement qui lui aurait sauvé la vie. J'ai donc lu tous ces livres sur les tentatives d’avortement et réfléchi au parcours que les femmes sont contraintes d’entreprendre quand elles vivent dans des pays catholiques ou des zones rurales aux États-Unis. J'ai donc été inspirée par ce parcours et par la persévérance qu’il faut pour parcourir une telle distance et reconquérir son corps et ses droits.
M. E.: Concernant le style et la réalisation du film, vous êtes-vous inspirée d’autres films, de cinéastes ou d'autres médias ?
E.H.: J'essaie, en tant que cinéaste, d'éviter de regarder d'autres films pour l'inspiration visuelle parce que parfois, ça devient dangereux: vous commencez à être influencé dans la façon dont vous dirigez ou mettez en scène. Vous savez, il y avait beaucoup de films auxquels je pensais - qui étaient ancrés en moi- parce qu’ils m’avaient fortement impressionnée, comme beaucoup de films de la Nouvelle Vague roumaine, des films de Ken Loach, et quelques films de Bresson aussi. Mais je ne les ai pas regardés pour l'inspiration visuelle.
M. E.: J'ai entendu dire que vous vouliez à l'origine vous diriger vers le théâtre, mais que finalement vous aviez obliqué vers la réalisation de films. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point?
E.H.: Je faisais du théâtre vers mes vingt ans, et j'étais très intéressée par les écrivains d'avant-garde qui étaient à New York à ce moment-là mais finalement je n'y ai pas décelé une carrière pour moi. Je n'ai pas vu de chemin pour aller de l'avant. Je ne comprenais pas comment les gens gagnaient leur vie dans le monde du théâtre. Je voulais aussi me lancer le défi d’être l’auteur principal de mon œuvre, car je n'écrivais pas à l'époque. J'avais l'impression que le cinéma était un domaine inconnu pour moi. C'était compliqué et stimulant, et j'ai 'ai eu envie de voir si je pouvais transposer mon expérience de mise en scène théâtrale au cinéma. .
M. E.: Vous semblez vous être fait un nom depuis votre première réalisation. Comment vivez-vous cette nouvelle réputation d'écrivaine-réalisatrice de renom?
E.H.: Je n’y pense pas de cette façon. Vous savez, je suis tellement contente que le film trouve un écho auprès du public, qu'il soit reconnu, et salué par la presse. Je n'y pense pas vraiment en termes d’égo ou de carrière, et je me réjouis que l'attention porte essentiellement sur le film.
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